Colloque international : « Planchon, artiste de théâtre »
Ens de Lyon, IHRIM (UMR 5317), TNP. 1-2-3 avril 2026
L’oeuvre de Roger Planchon (1931-2009) est intimidante. Elle s’étend des années 1950 à la fin des années 2000, se compose de quelques 80 mises en scène, de plus de 50 rôles, d’une vingtaine de textes de théâtre, mais aussi d’essais, d’études dramaturgiques d’importance, sans oublier son versant cinématographique.
Inscrit dans un territoire, Lyon puis Villeurbanne, défenseur résolu pendant toute la seconde moitié du XXe siècle de la décentralisation théâtrale, Planchon est aussi une figure majeure du théâtre européen de cette époque. Son œuvre a inspiré nombre d’artistes tels Jean Jourdheuil ou Jean-Pierre Vincent, et fait du TNP l’un des hauts lieux de la création théâtrale à l’échelle nationale et internationale et l’une des expériences les plus reconnues de « théâtre populaire ». Or, l’histoire du théâtre, à quelques exceptions près, ne semble retenir de la figure de Planchon que sa dimension institutionnelle d’une part (animateur du petit théâtre des Marronniers à Lyon, puis du théâtre de la Cité, labellisé TNP en 1972 à Villeurbanne), et sa dimension « décentralisée » d’autre part, n’envisageant la postérité de l’artiste qu’à l’aune de sa position provinciale. S’il s’est bien mené en dehors de Paris, ce défi artistique a débordé, par l’attention qu’il a suscité et l’ampleur de ses tournées et de son rayonnement, ce seul ancrage.
Or, cette reconnaissance « institutionnelle » ne peut pas être décorrélée de l’activité artistique, c’est elle qui irrigue et détermine tout le reste : par exemple la question des publics, celle de la fondation et de la direction des lieux, celle encore des collaborations. L’œuvre de Planchon doit ainsi s’appréhender dans son ensemble, de la scène à la page en passant par tout ce qui a constitué son activité théâtrale, que ce soit d’un point de vue artistique ou institutionnel, quand bien même elle connait des mouvements, des ruptures, des évolutions. Comment s’articulent les différentes pratiques de la scène et du théâtre de Roger Planchon, qui fut à la fois metteur en scène, dramaturge, auteur, acteur, directeur d’acteur·rice, chef de troupe, directeur d’institution, programmateur, militant de la décentralisation ? C’est à ce cœur d’ouvrage que souhaite s’intéresser le colloque international « Planchon, artiste de théâtre ».
Il ne s’agit pas, pour cela, de faire croire à une actualité retrouvée de Roger Planchon et de son œuvre. Une analyse rapide de la situation théâtrale contemporaine ne manquera pas de relever combien paraissent lointaines ses expériences en regard des modalités actuelles de production et des fortes mutations du statut de l’art et de son accompagnement par les politiques publiques. Pour autant, malgré cette indéniable distance, il semble essentiel de revenir sur ce moment d’histoire et d’esthétique théâtrale, en considérant l’œuvre de Planchon comme un tout signifiant, dont les aspects institutionnels et artistiques ne peuvent être pris séparément. C’est la singularité de ce parcours que ce colloque entend interroger, et ce pour trois raisons.
La première est d’ordre esthétique. Le plateau, l’écriture, le jeu, la lecture et la mise en scène des classiques dont Simone Amouyal disait qu’elle lui « apprenait à écrire », la dramaturgie, la découverte de nouveaux auteurs tels Adamov ou Vinaver, la programmation de metteurs en scène européens tels Strehler, ont été au centre de son travail et ont marqué, de façon forte, l’histoire de la scène européenne. S’intéresser à Roger Planchon c’est, dès lors, tout à la fois se concentrer sur ses œuvres, en relever les enjeux, et réfléchir aux formes et aux processus de travail, à la fois dans leur singularité et dans leurs accointances avec d’autres créations et/ou d’autres généalogies théâtrales — celles de ses maîtres, celles de ses camarades et celles de la postérité. Qu’ont de commun par exemple ce « génial bouseux » qu’était Planchon, avec « l’aristocrate international » qu’était Strehler? Double dynamique donc qui, pour l’une, explore de façon interne son esthétique, sa pratique, et qui, pour l’autre, plus externe, s’intéresse à la situer dans un contexte artistique plus vaste, menant à la deuxième perspective envisagée, qui est d’ordre historique et historiographique.
Cette œuvre témoigne en effet d’un autre temps pour le théâtre et il est important de le penser en tant que tel : qu’a permis, institué, prolongé ou ajourné le travail théâtral de Roger Planchon dans le contexte artistique et institutionnel qui était le sien ? Ce qu’il en a été du théâtre loin de la capitale, de son inscription concrète au sein des débats sur le « populaire » croise la façon dont l’histoire politique, idéologique a imprimé sa marque (ou non) sur son parcours. L’approche historique entend comprendre ce que fut ce moment du « défi en province »3, le contexte, les rapports de forces d’une époque disparue du théâtre. Cette approche ne se veut ni nostalgique, ni hagiographique ou à charge. L’objectif, à partir du « cas » singulier Planchon, est de contribuer à la fois à repenser son travail comme une œuvre inscrite dans un contexte spécifique, et à une histoire du théâtre européen qui s’écrivait aussi au Théâtre de la Cité et au TNP de Villeurbanne.
Le dernier aspect qui nous intéresse est d’ordre politique et idéologique, car cette œuvre, saisie dans la durée, par le fait même de son existence et les formes qui furent les siennes, construit une proposition pour l’art et la cité. Elle permet, par sa cohérence et ses contradictions, d’en déduire des implications ou des pistes de réflexion sur ce qu’il en est (en a été) des rapports de l’art théâtral avec l’État, avec l’idée et la réalité du service public, en interaction constante avec les enjeux de la création. Là encore, cette dimension politique et idéologique sera considérée à la fois à partir des formes esthétiques produites, que ce soit dans ses textes, dans ses mises en scène, ou depuis son travail de programmation, qu’au travers de ses conflits et luttes institutionnelles avec les mairies de Lyon et de Villeurbanne ou les instances nationales, ou de ses choix de politiques de diffusion en lien avec le territoire à toutes les échelles de diffusion, régionales, nationales et internationales.
Le colloque « Planchon, artiste de théâtre » se propose de revenir, à partir de lectures, de communications scientifiques, de participation d’artistes, d’exposition et de projections, sur l’activité de l’artiste que fut Roger Planchon, d’envisager la cohérence et les contradictions d’une vie dédiée à l’art et, en l’occurrence, au théâtre.
Propositions de communication attendues pour le 30 septembre 2025.
7000 caractères espaces compris + bio-bibliographie, à envoyer aux responsables scientifiques.
Responsables scientifiques : Olivier Neveux et Anne Pellois.
olivier.neveux@ens-lyon.fr anne.pellois@ens-lyon.fr
Comité scientifique
Catherine Ailloud-Nicolas, Université Lyon I Aude Astier, Université de Strasbourg
Marco Consolini, Université Sorbonne-Nouvelle Alice Folco, Université Grenoble-Alpes
Kenza Jernite, Université Sorbonne-Nouvelle Thiphaine Karsenty, Université Paris-Nanterre Daniel Urrutiaguer, Université Sorbonne-Nouvelle Tommaso Zaccheo, Université Sorbonne-Nouvelle
